En Haïti, aux côtés des tisanes et des injections comme le Pitocin (ocytocine), le Cytotec est le produit le plus utilisé pour provoquer un avortement. Très populaire parmi les jeunes, il est consommé avec du thé ou de la bière. La dose habituelle est de deux comprimés avalés ajoutés à un ou deux autres introduits à l’intérieur du vagin.
Désastreuses sont les conséquences de la mauvaise utilisation du Cytotec, nom commercial d’un Misoprostol, un médicament antiulcéreux fréquemment détourné en Haïti à des fins d’avortement médicamenteux.
Certaines femmes ont eu leur utérus laminé, d’autres deviennent irréversiblement stériles, les médecins étant obligés d’enlever leur matrice après que ces dernières ont interrompu une grossesse à l’aide de ce médicament « magique ». Sans oublier des cas d’infections sévères et de douleurs intenses. Le hic est que certaines femmes se sont tuées.
La conclusion de cette investigation, menée par le journal d’informations en ligne Enquet’Action autour de ce phénomène de société, est toutefois ahurissante. A la base d’une telle situation, l’interdiction de l’avortement qui pourtant se pratique massivement dans la clandestinité et dans les pires conditions sanitaires. Haïti connaît le plus fort taux de mortalité maternelle sur tout le continent américain, selon des chiffres officiels.
Port-au-Prince, Haïti, le 9 avril 2020--- « Se kòmsi w santi yon tranche… Yon bagay kap rache andan w [C’est comme si on ressent des contractions … quelque chose qui vous déchire les entrailles] », se rappelle Marie Andrée Pierre (nom d’emprunt), 33 ans, décrivant les instants qui ont suivi la prise du Cytotec. Elle était tombée enceinte après un rapport sexuel non protégé, une situation pour laquelle elle n’était pas préparée.
De concert avec son compagnon, elle a pris une première dose qui n’a pas fait l’effet escompté. Puis, elle a renouvelé la dose. Fortes douleurs, hémorragie puis expulsion du fœtus, elle a avorté. « Le Cytotec est un comprimé très utilisé en Haïti par les femmes pour ses propriétés abortives. J’ignore son emploi originelle. Mais j’entends dire qu’il a d’autres utilisations en plus de celle qu’on fait pour avorter », confie-t-elle, affirmant que cette alternative d’avortement est efficace dans les cinq premières semaines de la grossesse.