Enquête


Il est 11 heures du matin. A la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Port-au-Prince, l’atmosphère paraît calme. Quelques étudiants discutent. Sous un arbre géant, on reçoit Jacques Jean Pierre, un jeune entrepreneur, vêtu d’un jeans bleu et d’un tee-shirt fabriqué artisanalement. Il nous conte ses premières expériences avec les produits tels que le beurre de cacao (grès kakawo) et l’huile de serpent (lwil koulèv) qu’il a utilisés souvent durant au moins quatre ans.

« Je les utilisais parce que je voulais agrandir mon pénis afin d'échapper aux moqueries dont je faisais souvent l'objet quand j'étais petit. Parfois, je me sentais humilié. Pour pallier le problème et pour être bien vu quand je me tiens devant une femme, je me suis adonné à l'utilisation de ces produits. Désormais, je peux dire que je suis satisfait du résultat. Quand je me tiens devant les femmes, elles savent qu'elles ont affaire à un vrai homme », confie-t-il avec un sourire.

Le beurre de cacao, la graisse kabwa, l’alonjenn sexe, l’huile de tortue, l’huile de requin, l’huile du pénis de l’âne, celui du taurillon ainsi que la bave de bœuf… Ce sont autant de produits utilisés par les jeunes et les moins jeunes haïtiens pour élargir, allonger et grossir leur verge.

Assis sous un soleil de plomb non loin de l'église Saint Jean Bosco à Pétion-Ville, exactement à l'angle des rues Lambert et Geffrard, Paul François, un quadragénaire au caractère grincheux, commercialise ces produits parmi tant d’autres.

« Celui-ci, c'est lwil koulèv (l’huile de serpent). Celui-là, grès kakawo (beurre de cacao). Cette dernière a plusieurs vertus notamment analgésiques. Mais il est très utilisé pour l’agrandissement et l’allongement du pénis. Quant au « lwil koulèv » (l’huile de serpent), elle sert à étirer les membres du corps. La bave de bœuf (bave bèf) est utilisée quand on veut obtenir un meilleur résultat dans un temps record. C'est pareil aussi pour lwil reken (l’huile de requin). Tous deux permettent d'obtenir longueur, grosseur et largueur et ceci dans un laps de temps », explique-t-il.

Enquet’Action a investigué autour des trois produits les plus connus, les plus appréciés et les plus utilisés qui sont le beurre de cacao (grès kakawo), la bave de bœuf (bave bèf) et l’huile de serpent (grès/lwil koulèv). Ainsi est-il allé rencontrer les commerçants qui occupent certaines artères de la région de Port-au-Prince.

Dans ce petit Etat insulaire, n'importe qui en s’autoproclamant médecin peut livrer une bataille sans merci contre les minuscules pénis. C’est le cas pour de nombreux producteurs de ces gammes de produits qui se font appeler docteur.

Ces substances n'ont toutefois pas seulement les hommes pour adeptes, mais également les femmes qui les usent à moult fins. Si certaines les utilisent comme traitement pour les cheveux, d'autres les emploient à d'autres fins plus personnelles et intimes.

« Il y a plusieurs femmes qui viennent les acheter pour leur usage personnel… Pour allonger et agrandir leur clitoris. Certaines viennent se les procurer pour leur mari, d'autres pour leurs fils qu'elles estiment souffrir du syndrome de petit pénis », révèle l’autoproclamé docteur Alongé, dont le nom complet est Berger Alongé qui serait à la fois vendeur et utilisateur.

Les marchandises sont placées à l’intérieur d’un seau. Au-dessus de la couverture du récipient, se trouvent des fioles (appelées ti yoyo) remplies de ces produits. Chaque « ti yoyo » contient une huile spécifique ou un mélange. Généralement, c’est le décor présenté par l’étalage de presque tous les commerçants du Carrefour de l’Aéroport.

Sur d’autres surfaces, certains marchands disposent de ces produits dans des récipients beaucoup plus grands. Mais aussi et surtout des aphrodisiaques et des préservatifs. De véritables ‘’all for sex (tout pour le sexe)’’ en plein air. 

Ces produits rendraient service à toutes les couches et catégories sociales. « Nous avons comme principaux clients, les jeunes, surtout les écoliers qui viennent souvent faire le plein après les cours. Les personnes âgées aussi les utilisent », renchérit Junior Bernard dans la vingtaine et qui tient ce commerce depuis cinq ans.

Selon plusieurs marchands interrogés, ces produits se vendent comme des petits pains chauds, surtout dans les périodes de festivité comme la noël et le carnaval. Dans un pays où la pauvreté règne en maître, certains pour survivre se livrent à plusieurs formes d'activités pourvu qu'elles soient rentables. Ainsi, la production et la vente de ces produits rentrent dans le lot de ces activités qui ramènent du pain à la maison. Paul François, depuis quatre ans, détient un commerce de pharmacie de fortune à Pétion-ville, en face de l'église Saint Jean Bosco.

Il propose un paquet de produits parmi lesquels la grès kakawo (graisse de cacao), lwil koulèv (l’huile de serpent) et la bave de bœuf (bave bèf) qui, malgré la précarité économique du pays, lui rapporte jusqu’à 5 mille gourdes par semaine. Selon l’avis de plusieurs commerçants, la vente de produits pour grossir le pénis est une activité très lucrative. Les clients ne se font pas appeler. Et les produits se vendent vite.

Par ailleurs, le prix des produits varie en fonction de la zone où ils se vendent. Il y a non seulement des vendeurs fixes mais également des vendeurs ambulants. Ainsi, le prix de ces produits va entre 100 et 1000 gourdes suivant leur qualité et leur composition. De même que le prix, la composition change également.

Des méthodes variées et diversifiées…  

Si tous les usagers sont en quête du pénis « idéal », les méthodes pour atteindre ce rêve, ne sont en rien uniformes. Plusieurs personnes interviewées reconnaissent que l’utilisation exige comme condition la masturbation, mais d'autres les utilisent comme de simples lotions sur la verge. « On utilise souvent ces produits en période de pleine lune, ainsi, à mesure que la lune grandit, le pénis grandit également », explique Davidson Philippe, encore écolier qui dit les utiliser depuis six ans parce qu’il estime que 90% des femmes haïtiennes adorent quand leur conjoint dispose d’un pénis « normal ».

Chacun de ces produits exigerait une méthode, reconnaît pour sa part Jacques Jean Pierre, l’ancien usager que nous avons rencontré dans la cour de la Faculté de droit de Port-au-Prince.

« La grès Kakawo (beurre de cacao) ne peut être utilisée de n'importe quelle façon. Son utilisation exige toute une méthodologie. Quand on se masturbe en utilisant la grès Kakawo, il est bien préférable de le faire sous un soleil de plomb. Ensuite, il faudrait laisser le pénis au repos pendant quelques minutes sous le soleil. Une fois que la substance est séchée, la personne peut se rhabiller pour vaquer à ses occupations », explique Jean Pierre.

Quant à l'échéance des résultats, les réponses des commerçants et utilisateurs divergent. Plusieurs d’entre eux déclarent que les effets des produits se font remarquer soit après des jours, des semaines et parfois des mois. D'après eux, le résultat dépend tout d'abord de la méthode utilisée. « Si une personne veut obtenir des résultats, il faudrait qu’elle accorde au moins six mois sans avoir aucun rapport sexuel », poursuit-il.

Par ailleurs, l'utilisation de ces substances exigerait non seulement une méthodologie, mais également une certaine rigueur. Car pour espérer un résultat, si résultat il y en aura, l'application doit se faire au moins deux fois par jour, nous révèlent certains usagers. Ce qui décourage certaines personnes.

Si certains hommes reconnaissent leur efficacité, il arrive que d'autres n'obtiennent aucun résultat. A côté de la mauvaise méthode que peuvent utiliser ces personnes, il existe également d'autres facteurs de risque. Ils peuvent ne pas produire les effets désirés si la personne est trop âgée. Ainsi laisse-t-on croire qu’une personne qui a déjà dépassé la trentaine ne devrait pas utiliser ces substances au risque de ne voir aucun résultat.

Virilité et performance sexuelle …

« Pitow malere ou gen bèl bwa » (Mieux vaut être pauvre et avoir un bel engin), tel est le slogan mis en avant par un producteur et commerçant de ces produits appelé Dr Piqué qui écoule ses marchandises non loin du local de l’office national d’assurance vieillesse (ONA) au Carrefour de l’Aéroport. Presque tous les passants qui le connaissent lancent le slogan lorsqu’ils s’approchent de son espace de vente.

Ici, c’est le culte du gros pénis, de la virilité et de la performance sexuelle. Comme prétextes phares : les femmes aiment les gros pénis et les hommes qui durent. Alors que certaines femmes croient dur comme fer que la longueur et la grosseur importent peu, c’est la façon de faire qui prime.

« Pour eux, c’est la virilité qui médiatise leur relation avec les femmes. De même pour la qualité de relation qu’ils développent avec leurs amis.es. Le mythe de la virilité marche de paire avec le mythe de la supériorité. Ce dernier donne la sensation à l’homme où il se voit obliger de toujours chercher les moyens permettant à cette identité construite – de se perpétuer », explique Sabine Lamour, sociologue-féministe, ajoutant que dans les clubs qui leur sont dédiés à travers leur discours, ils se présentent comme des surhommes qui ont une virilité extraordinaire alors que ce n’est pas vrai.

Autre chose qui rentre aussi en ligne de compte, c’est le type de sexualité dans lequel on fait croire aux hommes. Une sexualité mécanique qui prédétermine à l’avance la dynamique sexuelle le privant de tout ce qui fait véritablement son essence. « L’homme se referme dans ce schéma ayant une sexualité axée sur l’action – réaction. A l’avance, on connaît tout ce qu’on va faire et à quel moment. La personne ne se donne pas le droit d’explorer la panoplie existant dans les rapports sexuels avec son partenaire », continue-t-elle.

Mme Lamour critique le fait que les femmes se laissent prendre dans l’engrenage d’une sexualité où elles sont vues uniquement comme un corps dans lequel il y a uniquement un trou. Rien de plus, après ce trou. Ainsi, elles se ferment dans un rapport où la pénétration joue le rôle fondamental. « Comme qui dirait, la sexualité tourne uniquement autour de la pénétration », dénonce-t-elle. Une situation qui empêche à l’individu de profiter de toutes ses capacités à vivre l’érotisme et découvrir l’immensité des zones érogènes qui habitent la femme.

En guise de rappel, selon des propos recueillis par la rédaction, certains utilisateurs confient que l'idée d'utiliser ces produits de virilité vient de l'exigence des femmes qui se plaignent parfois de la dimension du pénis de leur partenaire.

Pour le psycho-sexologue, Dr Ulrick Sylvestre Francillon, cela dépend de plusieurs facteurs dont de la première expérience sexuelle faite par ces femmes durant leur adolescence.

Ainsi, dit-il, si sa première fois a été avec un homme qui avait un grand pénis et qu'elle s'est sentie bien durant l'acte, ce souvenir lui restera gravé dans la mémoire. Cependant, l'expérience pouvait être avec un homme qui a un petit pénis et qui l'avait satisfaite. « Cela dépend de la façon dont elle a été dépucelée. Car cette image ne s'effacera jamais dans sa mémoire », explique-t-il.

Par ailleurs, il pense que la satisfaction de la femme dans une relation ne dépend pas de l'utilisation de ces produits, mais de la connaissance du type de femme que l'on côtoie voire du corps de celle-ci. Il fustige le fait que généralement les hommes ne savent pas comment faire pour satisfaire une femme. L’essentiel selon lui, ce n’est pas dans la dimension du pénis mais dans la manière de procéder.

« Lorsqu'un homme a la capacité de découvrir avec quel type de femme il est en couple, il lui sera plus facile de la satisfaire. Parce qu'en réalité, il y a quatre types de femmes qui se subdivisent en deux grandes catégories: les femmes basiques et les femmes acides. Les quatre types de femmes sont: la femme clitoridienne, la femme vaginale, la femme point G et la femme cervicale », détaille le sexologue ajoutant que chacune de ces femmes exigent une méthode pouvant les amener à atteindre l'orgasme ou peut-être l’éjaculation.

Toutefois, le prétexte avancé par le mâle haïtien ne fait pas l'unanimité chez toutes les femmes. Certaines d'entre elles avouent n'avoir aucun problème avec le gros ou le petit pénis, du moment qu’elle est satisfaite.

« J'adore tout ce qui est naturel. Lorsque la personne utilise ces substances, quelque part, on sent que ce n'est pas lui qui est avec nous. Quel que soit le temps que peut durer un rapport sexuel… je n'ai aucun problème, du moment que la personne est réellement elle-même et non sous l'emprise d'une quelconque substance », raconte Thérèse Mathurin, étudiante en service social à la Faculté des Sciences Humaines, qui croit que certaines fois, à côté du fait que ces hommes utilisent ces produits pour satisfaire leur partenaire, ils les utilisent d'autre part avec de mauvaises intentions.

La plupart des utilisateurs interviewés rapportent qu’ils ont commencé à se servir de ces produits dès leur adolescence sous l’influence de leur entourage (leurs amis, en particulier). Ainsi, sous conseils d’amis qui l’ont utilisé, des jeunes rencontrés disent avoir fait l’expérience par la suite. Certaines fois, ils commencent la prise très jeune. Soit dès l’âge de 12-13 ans.

Toutefois, d'aucuns pensent que celle-ci n'est pas le seul facteur. Dans la coutume haïtienne, la médecine traditionnelle a toujours occupé une place importante. Du coup, lorsqu'un homme éprouve des difficultés comme celles pour lesquelles ces produits sont utilisés, il est plus facile pour lui de se tourner vers un médecin traditionnel au lieu d'aller consulter un sexologue ou un urologue.

« La raison pour laquelle je n'ai pas été voir un urologue ou un sexologue pour résoudre ce problème, c'est parce que ce n'est pas trop dans nos habitudes. Et puis, combien y a t-il de sexologues dans le pays ? Je ne pense même pas qu'ils soient dix. Aussi, ce n'est pas dans nos habitudes, nous autres en Haïti, d'aller consulter les médecins. S'il existe une recette naturelle qui peut faire l'affaire, à quoi bon de s'y rendre ? D'autant plus qu'on peut se les procurer à un prix abordable », a fait savoir Dolson Gérard, étudiant finissant en psychologie à la Faculté des Sciences Humaines (FASCH).

Des risques à l'horizon ?

Cette pratique remonte à des lustres. Cependant, jusqu'à présent aucune étude scientifique n'a été faite sur le sujet. Scientifiquement, on ne peut admettre qu'ils produisent des effets secondaires, mais plusieurs utilisateurs n'écartent pas la probabilité que ces produits soient à l'origine de certaines complications sexuelles chez l'homme.

« L'utilisation quotidienne de ces produits peut parfois entrainer chez la personne un dysfonctionnement érectile. Elle peut également agir sur le psychique de la personne. Mais plus d'un semble l'ignorer », reconnait Jean Pierre, notre interlocuteur principal. Puisque, après quatre ans d'utilisation, il déclare souffrir de ces complications.

Malgré l'absence d'une étude scientifique sur les effets de ces produits, l'urologue Woodjena Louis pense que le dysfonctionnement érectile est un fléau auquel bon nombre d'hommes font face en Haïti et les jeunes en particulier. Sans les résultats d'une étude approfondie sur la question, elle estime que l'on ne pourrait littéralement admettre que ces produits soient à l'origine des complications sexuelles rencontrées chez les hommes.

Si l'on tient compte des réactions de certains commerçants quand on leur pose la question sur les risques de ces substances sur la santé de l'utilisateur, l'on dirait que ces produits ne vont réellement pas sans risque. L’une des conséquences fondamentales en vue, c’est la dépendance psychologique des utilisateurs à ces produits dans la quête de compensation de ce complexe. Les poussant à avoir recours à n’importe quel produit faisant fi des éventuelles conséquences.

« Ils vont être anxieux, déprimés et maniaques. Ce, du fait que ce problème les domine. Le syndrome du petit pénis est un syndrome qui ravage la personne atteinte. Ce n’est pas uniquement en Haïti, mais aussi ailleurs », regrette le sexologue Sylvestre Francillon qui dit avoir des patients qui de honte, ont cessé de voir des femmes alors que le corps a besoin régulièrement de sexe.

A l’avenir, des soucis de santé les attendent prévient le spécialiste – dont des problèmes dermatologiques du fait que ces produits seraient conçus dans des conditions non hygiéniques les exposant au risque d’accumulation de bactéries. Selon M. Francillon, cela peut même déboucher sur un cancer de la peau ou celui du pénis.

« Beaucoup de jeunes se font du mal sans s’en rendre compte. A force de trop travailler le corps caverneux du pénis que ça arrive qu’il soit endommagé. Parfois qu’ils développent des problèmes d’endurance voire d’autres maladies à l’avenir causé par une mauvaise utilisation de produits non dosés et non traités », ajoute le sexologue disant recevoir très souvent d’innombrables patients, surtout des jeunes, qui se plaignent de la petitesse de leur verge, manifestant de leur désir de l’agrandir.

Cependant, selon lui, la probabilité pour que ces substances de virilité puissent produire des effets varie de 5 à 10%. Pour que cela puisse se trouver dans cette fourchette, la personne doit être jeune, avoir un bon régime alimentaire, dormir régulièrement et prendre de la vitamine D. Parce que d’après lui, la conception qui fait que l’homme pense que l’utilisation des ces produits peut augmenter la taille de son pénis, peut être expliquée scientifiquement.

« L'appareil génital de l'homme est composé sur le plan externe, d'un gland, mais à l'intérieur on retrouve l'urètre, les corps caverneux et spongieux, ces derniers, qui avec le temps grandissent et procurent au pénis sa forme normale. Cette forme dépend également du développement des testostérones qui s'accumulent en fonction de l'alimentation de la personne, de la durée de son sommeil. Ce qui va lui donner sa force physique ainsi que sa virilité », dit-il.

L'illusion de la longueur ou la longueur de l'illusion ?

De nos jours, dans presque toutes les relations sentimentales, le sexe reste et demeure le seul noyau. Comme quoi s'il n'existait pas, homme et femme n'auraient aucune relation. Ainsi, les hommes, pour ne pas passer pour des incapables, prétextent utiliser tous les moyens pour satisfaire leur partenaire au risque de voir celle-ci dans les bras d'un autre.

Faire en sorte que sa compagne soit « satisfaite » sexuellement devient, dès lors, une obsession pour certains hommes. Questionnée à ce sujet, la sociologue-féministe, Sabine Lamour croit que cette attitude est due au mythe de virilité qui fait croire à l'homme haïtien que le phallus, étant un organe très puissant chez ce dernier, est le médiateur de toute relation.

Elle pense que cette conception est un produit de notre société et de nos modes de socialisation qui font croire à l'homme haïtien qu'il doit toujours être performant au lit et doit se comporter comme le responsable de la jouissance de la femme avec qui il est en couple. « C'est la performance sexuelle qui définit l'homme. A partir du moment où il n'y a plus de performance dans la relation, sa vie n'aura plus de sens », souligne la sociologue.

« Ils les utilisent certaines fois également parce que toute leur identité est construite autour de cette virilité. Dans ce cas, il n'y a pas que la femme qui soit assujettie à une domination, mais l'homme », continue-t-elle.

En réalité, la taille moyenne du pénis au repos serait de 9 cm, selon l'urologue Woodjena Louis. Cette conception de l'homme haïtien de souffrir du syndrome du petit pénis ne relève que de la croyance populaire ou peut-être d’une illusion. Parce qu'en fait dans une relation sexuelle ce n'est pas la taille du pénis qui prime, mais le savoir-faire.

Aussi croit-t-elle que ce problème est fort souvent d'ordre psychologique, et diminue l'estime de soi de la personne. Toutefois, il peut être résolu si dans le couple, les deux personnes apprennent à se connaître tout en cherchant à découvrir ce qui peut faire plaisir à l'un ou à l'autre. « Il est des couples qui connaissent la dysfonction érectile, mais parviennent quand même à se satisfaire sexuellement », insiste-t-elle.

Par ailleurs, l’urologue pense que la taille du pénis est un sujet qui intrigue presque tous les hommes haïtiens. Elle avoue que nombreux sont les patients qui viennent en consultation juste pour savoir si la longueur de leur pénis est « normal ». « Dans leur tête quand ils viennent me voir, ils ont non seulement l'avis d'un médecin, mais également d'une femme. De ce fait, ils viennent pour savoir si la taille est bonne », soutient Mme Louis qui explique que généralement tous les pénis de ces hommes sont de taille normale. N’empêche qu’ils doutent de la réponse de la spécialiste.

L'usage de ces produits dits de virilité semble aider d'innombrables gens à faire face à quelques complications sexuelles. D'autant plus qu'ils se vendent à des prix abordables.

Cependant, il n'est pas très hygiénique d’en faire toute une routine. Qui sait dans quelle condition ils sont confectionnés? Qui sait si, à force de les appliquer sur la verge, ils n'accumuleront pas des microbes qui vont développer par la suite des cancers de la peau ou de la verge? Et que fera-t-on quand les jeunes s'en lasseront de leur inefficacité et sombreront dans la déprime à cause du syndrome du petit pénis qu'ils n'arriveront jamais à guérir?

Ce sont autant de questions que l’on se pose et qui devraient interpeller des acteurs de la société haïtienne en passant par l'Etat comme organe régulateur qui devrait commencer par réaliser des études avancées sur la composition de ces produits, et par la famille qui devrait commencer par éduquer sexuellement leurs enfants afin de les sauver de l'emprise de ces produits fabriqués artisanalement.

De plus, selon la sociologue Sabine Lamour, la question de la sexualité devrait être abordée tout autrement dans la société haïtienne. En tant que nœud de pouvoir, elle doit être déconstruite afin de permettre à bien d'autres mythes de se déconstruire. Ce qui rendrait les rapports homme-femme réellement égalitaires.

Toutefois, conscient que l'utilisation des produits de virilité, si toutefois ils sont nocifs, ne va pas cesser aussi tôt, Dolson Gérard, l'aspirant psychologue, lance une mise en garde à la jeunesse masculine qui est la plus exposée.

« Je demanderais aux jeunes d'être prudents, de ne pas utiliser ces substances sous le coup de la folie comme quoi, cela détermine s'ils sont hommes ou pas. Ou comme quoi un homme qui a un petit pénis n'en est pas un. Parce que c'est notre construction sociale qui est à l'origine de cette tendance ».

En résumé, l’affaire n’est pas dans le gros ou le petit pénis, c’est dans le savoir faire, c’est toute une éducation sur le plan sexuel.


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Dougenie Michelle Archille

@MichelleArchil5