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« Désormais, Haïti a besoin de plus de psychologues que tous les autres professionnels »

Après le séisme dévastateur du 14 août 2021 ayant saccagé le grand sud d’Haïti, le psychologue et travailleur social Jean Daniel Samedi a créé la Cellule Santé Mentale (CSM). Cette organisation, œuvrant dans la Grand’Anse, se veut un vecteur de promotion de la santé mentale et un centre d’aide pour ceux et celles qui se plient et s’effondrent sous les charges psychologiques du temps. Président et responsable de communication de la CSM, Jean Daniel Samedi s’est entretenu avec notre rédaction sur les travaux réalisés et les perspectives d’avenir de la structure.



Interview


Enquet’Action (EA) : Comment présentez-vous la Cellule Santé Mentale (CSM) ?


Jean Daniel Samedi (JDS) : La Cellule Santé Mentale (CSM) est une Organisation créée le 25 octobre 2021. Nous œuvrons dans le domaine de la santé mentale. Nous faisons la promotion de la psychologie et nous formons des gens aux premières règles de secours capables de sauver ceux et celles qui sont en situation de besoins psychologiques.


EA : Qu’est-ce qui vous fait penser que cette structure a réellement sa place dans la Grand’Anse ?


JDS : A l’heure qu’il est, il y a beaucoup plus de nécessités dans le domaine de la psychologie. Après tous ces événements : Catastrophes naturelles, problèmes sociaux, problèmes économiques, crises politiques…, tous, ont de graves conséquences sur la santé mentale des gens. Ils laissent des séquelles sur le psychique. Grand’Anse, l’un des départements ayant été victimes de catastrophes naturelles connaît des difficultés économiques, ce qui n’est pas sans conséquences sur les familles, les écoles, les liens d’amitié… Et c’est là qu’on va voir évoluer les cas de viol, de délinquance, de suicide et autres.


EA : Vous vous êtes donné quelle mission ?


JDS : Notre mission consiste à conscientiser beaucoup plus de monde sur le rôle d’un psychologue dans la société et aider à connaître comment soutenir une personne en situation de détresse psychologique. Au cours des trente prochaines années, nous voulons que beaucoup plus de personnes soient capables d’accompagner un individu étant dans le besoin et l’assister sans la présence d’un psychologue. Une personne en détresse n’a pas forcément besoin d’un psychologue pour l’aider. Mais toute personne ayant connaissance dans le domaine peut faire la première intervention et, si cela dépasse ses compétences, l’envoyer chez un psychologue.


EA : Quel genre d’activités menez-vous dans les communautés ?


JDS : Depuis 2021, CSM s’engage dans toutes les communes du département de la Grand’Anse. Nous offrons des formations à des associations de jeunes, des organisations de femmes, des journalistes, des directeurs d’écoles, des prêtres, des universités, des élèves et à des policiers. Nous créons un réseau de jeunes dans chaque arrondissement. Ils sont plus de 150 jeunes faisant la promotion de la santé mentale parce que cette équipe est formée en PSP, stress, relation d’aide, etc.


EA : Quelle est votre stratégie ?


JDS : Les stratégies sont nombreuses. Au sein de la CSM, nous avons cinq départements pour atteindre toutes les couches sociales. Nous avons le Groupe d’Action en Santé communautaire (GRASCO). Il est composé d’infirmières, de médecins pour l’organisation de cliniques mobiles dans le département avec l’aide de psychologues. Chaque commune a une base de données sur l’ensemble des pathologies les plus fréquentes. Ce qui nous permet d’évaluer chaque individu de ces communes respectives sur l’ensemble des cas fréquents liés à la psychologie et aux maladies physiques reposant sur les bactéries, champignons et virus.


En plus, il y a « Kore maman kore lavi ». Ce programme accompagne les jeunes mamans (adolescentes) ayant besoin de beaucoup d’aides psychologiques après de mauvaises expériences. Expériences impactant leur vie entière. Ce problème est beaucoup plus économique que psychologique selon nos constats, mais va avoir, malheureusement, des impacts négatifs sur la vie de ces jeunes mamans. Nous leur ouvrons un cadre psychosocial afin de leur permettre de reprendre leur équilibre mental et recommencer leur vie après avoir enfanté.


CAPEE, s’occupe des enfants en plus le CLUB d’Or qui s’occupe des personnes du troisième âge et le Club de Jeunes en Santé Mentale (CSJM) qui représente le moteur du projet afin que plus de jeunes soient formés et deviennent des agents de santé. Ainsi, on pourra réduire le taux de victimes lié aux problèmes mentaux surgissant de simples événements qui auraient pu être surmontés.


EA : Parlez-nous des défis.


JDS : Les défis ? Arriver à une plus large couverture au niveau national. La psychologie est en dessous des priorités de la santé en Haïti. Montrer aux gens que ce n’est pas une honte d’aller voir un psychologue. Soit dit en passant, les psychologues ne consultent pas ceux que nous appelons « fou ». Certaines fois, les maladies sont beaucoup plus mentales que physiques. En tenant compte de cette réalité, les médecins ne vont pas les traiter. Les médicaments ne traitent pas les problèmes psychologiques. Au contraire, ils aggravent l’état de santé de la personne. Désormais, Haïti a besoin de plus de psychologues que tous les autres professionnels. Le problème mental concerne la majorité des citoyens.


EA : Pouvez-vous parler de bilan ?


JDS : Le bilan est mince pour l’instant mais on est sur la bonne voie. Les gens commencent à comprendre l’importance d’un psychologue. Ils savent quoi faire en cas de besoin. Il n’y a pas encore de gros impacts puisque jusqu’à présent le service n’est pas encore totalement gratuit. Nous avons une ligne d’écoute où tous les gens de la Grand’Anse peuvent appeler et trouver un.e psychologue pour leur assister. Les appels ne sont pas encore gratuits. On avance à petits pas.


EA : Quel est votre niveau de satisfaction par rapport aux travaux réalisés en lien avec vos objectifs ?


JDS : On est fier. On est content, très content.


EA : Comment envisagez-vous l’avenir ?


JDS : Nous voulons lutter pour que la CSM reste un outil d’aide avec une couverture nationale et internationale.


Ce projet de contenus a eu le support de l’IFDD/OIF.

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