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Des mesures protectionnistes pour sauver la production nationale, plaide Camille Chalmers

Réinventer la cordonnerie haïtienne passe par l’adoption de toute une série de mesures pour le moins drastiques. Meilleur regard sur les outils, mécanisation de certaines techniques, aménagement d’espaces de travail par l’État, des supports techniques et technologiques … Toute une série de décisions importantes, à en croire le professeur d’université Camille Chalmers.



Enquet'Action (EA): Voyez-vous une issue pour la cordonnerie haïtienne ? Que doit-on faire ?


Camille Chalmers (CC): En vue de protéger la production nationale particulièrement le secteur de la cordonnerie, des mesures protectionnistes sont nécessaires. Toutefois, cela demande tout un train de mesures. Ça doit commencer au niveau du tarif douanier que l’État va imposer. Ça doit passer au niveau de la douane par des contrôles rigoureux. Ces mesures doivent également passer au niveau du contrôle des frontières, au niveau du crédit et de ciblage des producteurs afin qu’ils puissent obtenir des crédits suffisants qui leur permettent d’investir dans leur secteur d’activité. Pour relever réellement la barque de la cordonnerie, ça demande aussi des supports techniques et technologiques. Des regards doivent être jetés sur les outils, les conditions de travail des cordonniers et sur leurs capacités techniques. Il y a tout un ensemble de techniques qui peuvent être mécanisées. Ils doivent travailler de manière professionnelle. Importer ou produire des machines pour perfectionner la production incombe à la responsabilité de l’État. Car, les artisans haïtiens, malgré leurs grandes imaginations et créativités, ils ont un problème de finition. L’État pourrait leur doter de moyens et techniques de polissage afin d’obtenir des produits finis de très bonne qualité. L’État devrait même aménager des espaces de travail avec de l’électricité, des outillages nécessaires réservés aux cordonniers.

Des activités cycliques, comme l’exposition des œuvres des artisans, des cérémonies de remise de prix et récompenses annuelles pour les meilleurs œuvres et les cordonniers de l’année constituent tout un train d’initiatives pouvant valoriser le secteur.


Il y a tant d’autres activités qui peuvent valoriser la connaissance des cordonniers. Prenons l’exemple d’une initiative portant l’exposition de traditions de chaussures en Haïti. En réitérant le modèle des bottes de l’armée indigène, leur histoire. Comment les cordonniers haïtiens ont pu les réparer. Ce sont des stratégies de valorisation et de promotion que l’État pourrait entreprendre pour donner vie à la cordonnerie et pour la dignité des artisans. Ajout de crédits significatifs, accès au marché national et peut-être même visée l’exportation des produits vers d’autres marchés. 


Ces mesures sont applicables aussi pour d’autres domaines de la production nationale comme le domaine de tailleur, de l’agriculture, de l’aménagement mobilier. Toute une réflexion ciblée devrait être effectuée sur le mode de connaissances de nos artisans. Comment améliorer ces connaissances. Comment tenir compte des traditions culturelles qui en sont à la base de façon à ce qu’on développe toute une autre relation de l’haïtien avec les chaussures locales à travers la culture. Les cordonniers du pays devraient être d’abord recensés. Pour savoir, ceux qui sont actifs et les abandonnés. Il faut faire un inventaire de leur savoir-faire et de leur technique de travail.


EA: Par quoi doit-on passer pour redresser la barque de ce métier ?


CC: On ne peut promouvoir la cordonnerie sans avoir un climat de paix et de sécurité dans le pays. Cette situation de terreur participe grandement dans la descente aux enfers de ce métier. On doit inévitablement résoudre ce problème afin de créer un cadre de vie, de travail et de circulation pour l’épanouissement de différentes capacités et de connaissances du pays.


L’encouragement de la cordonnerie haïtienne serait très avantageux. Le secteur de l’élevage en tire grandement profit. Car, les souliers, les sandales sont fabriqués en cuire. Les cordonniers vont sûrement se servir de la peau des animaux. Les cordonniers n'ont aucun intérêt à décourager. Il y a encore de l’espoir pour ce métier. Ceux qui restent encore sur le marché à exercer leur profession ont beaucoup de valeur. Je salue leur effort et leur courage. L’autre jour, j’ai acheté des souliers haïtiens dans l’artisanat en fête. Ils sont superbes et très performants.


Pierre Samuel MARCELIN


Ce projet de contenus a eu le support de l’IFDD/OIF.

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