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Haïti, un pays en guerre contre les femmes

Le capitalisme patriarcal le sait: la méthode fleurs, chocolat et bâillon ne suffit pas pour alimenter son entreprise de soumission. Dans certains moments, ses contradictions font germer sa démence. Il devient fou et dézingue sans merci les corps.


Haïti est en guerre depuis trois décennies. Cette guerre a tiré de la dictature duvaliériste des armes de destruction massive contre les corps. Aujourd’hui, les pouvoirs politique et économique ne cherchent pas à surveiller. Ils traquent comme des prédateurs leurs gibiers. Ils bondissent en meute, masqués, armés jusqu’aux dents. Les pouvoirs ne cherchent pas non plus à punir. Ils veulent annihiler, démembrer. Car un corps en mille morceaux ne peut marcher contre eux. Eparpillé, il ne peut se battre ni dénoncer. Les pouvoirs ont renoncé à déchirer le corps social car les Catherine par millions ne cessent de le recoudre. Non, ils l’émiettent, le pulvérisent. Ainsi, les corps que l’utérus des femmes reproduiront seront-ils réduits à leur plus simple expression.

Haïti est en guerre et c’est une guerre contre les femmes.

Le marquage au fer rouge des corps se fait sans distinction de sexe. Mais ce sont elles qui sont violées à la chaîne. Qu’elles aient 5 ou 22 ans, ce sont elles que l’on étrangle avant de les jeter sur une pile de déchets. Quand l’insécurité - édulcoration de conflit que préfèrent les pouvoirs - frappe, c’est à elles que l’on reproche d’avoir été dehors la nuit tombée.

Bien sûr les femmes ne sont pas davantage victimes parce qu’elles sont des créatures fragiles et douces. C’est ce que les pouvoirs veulent nous faire croire. Les femmes peuvent tout aussi bien être les meilleurs leaders en temps de crise, comme celle de la Covid-19 actuelle, et pactiser avec le diable, se mettre au service des instances concernées. Les femmes sont puissantes, redoutables.

Il faut se rappeler plutôt que la guerre a pour enjeu la progression de certains corps, longtemps invisibilisés, vers des espaces de pouvoir. Des corps qui ont planté inéluctablement leurs rêves autour de Port-au-Prince. Des corps qui ont étalé avec insolence la lumière de leurs lendemains sur les trottoirs. Les femmes mènent cette progression tambour battant. Elles sont l’éminence grise d’un complot contre les ténèbres.

Le capitalisme patriarcal (*) le sait: la méthode fleurs, chocolat et bâillon ne suffit pas pour alimenter son entreprise de soumission. Dans certains moments, ses contradictions font germer sa démence. Il devient fou et dézingue sans merci les corps.

Nous sommes dans un tel moment. Et il faut rappeler à grands cris qu’il n’a que trop duré.


Francesca Theosmy


*Selon le terme de Silvia Federici.

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