À la suite de fortes pluies qui ont causé des inondations intenses dans plusieurs départements d’Haïti, les 3 et 4 juin dernier, la ville de Léogane se retrouvait les pieds dans l’eau en train de compter ses morts qui sont plus d’une vingtaine. Deux semaines après, plusieurs centaines d’habitants.es de la cité Anacaona sont aux abois. Les averses ont tout emporté. Enquet’Action, journal d’information et d’investigation numérique était allé voir les victimes.
CP: RALPH TEDY EROL / REUTERS
Reportage
Au boulevard Anacaona, les traces du passage de l’eau sont encore visibles. Plus de 3 semaines après les intempéries ayant inondé et/ou détruit plus d’un millier de maisons, les habitants sont livrés à eux-mêmes. Nous sommes à Léogâne, à une trentaine de kilomètres au sud de Port-au-Prince. Il est 10 h 30, le soleil est presque au zénith. Mirna Delbrun nettoie sa maison boueuse. L’eau a emporté tous les effets de la commerçante. Y compris sa marchandise qui était stockée dans son domicile de deux petites pièces, le toit en tôles.
« À cause du débordement de l’eau, nous n’avons pas eu le temps de sauver quelque chose », explique-t-elle sous un ton rempli de désespoir. La rescapée s’est réfugiée à Chatilé, localité de la commune. La quadragénaire vit à présent à la merci des autres. Elle est séparée de sa fille, l’unique de la famille, qui est chez un proche.
À quelques pas, nous trouvons la maison de Jochoia Vercier, journaliste et prêtre vodou, qui a subi le même sort que celle de Mirna. Pour Jochoia, les négligences de l’État sont à la base de ce désastre. « Ce n’est pas la première fois que cela arrive à Léogâne, mais aucune instance n’a rien fait pour éviter que notre condition s’aggrave », dénonce-t-il.
M. Vercier dit regretter le fait qu’à chaque fois que ce genre de catastrophe se présente, ce sont seulement quelques kits qu’on offre aux victimes. Ce qui ne dure que quelques jours très souvent. « Ce ne sont pas ces actions qui sont nécessaires. Une personne qui a tout perdu, un kit ne représente rien pour elle », souligne le travailleur de la presse qui considère ce procédé comme une violation des droits humains.
Des sacrifices inondés…
La ville de Léogâne est celle qui a été la plus touchée par les dernières intempéries du 3 et 4 juin dernier. La commune a enregistré 24 morts, 74 blessés, 9 disparues, 1 072 personnes évacuées/en abris, 8 mille 550 familles sinistrées, 712 maisons détruites et 920 maisons endommagées. Données communiquées par la Protection civile en Haïti en date du 12 juin 2023.
L’une des localités les plus affectées fut Chada. Là, Mitlande Maddy est commerçante depuis une quinzaine d’années. Elle y tenait un entrepôt de provisions alimentaires détruit lors des pluies. S’appuyant contre un mur, Mitlande observe des dizaines de sacs de riz éparpillés par-ci et par-là en présence d’une odeur nauséabonde. Sur le visage de la mère de quatre enfants, le désespoir est très palpable.
« C’est toute ma vie qui est partie dans les eaux. Je ne peux même pas évaluer les pertes », lance-t-elle. Mitlande venait d’acheter 2 mille sacs de riz à crédit, la veille des intempéries. De plus, elle a des dettes envers la banque et n'a pas la moindre idée de comment elle va s’en acquitter. « Il est possible qu’on m’accorde un délai, mais avec quoi je vais payer puisque j’ai tout perdu. Je n’ai plus rien », soutient-elle.
La grossiste a consenti d’énormes sacrifices pour s’approvisionner en raison notamment de la situation sécuritaire à Martissant pris en otage par des gangs armés. « Pour faire venir seulement le camion de riz ici, je dois donner 65 mille gourdes au chauffeur puisqu’il doit payer les bandits pour obtenir le droit de passage à Martissant », souligne Mitlande.
Ruinée, aujourd’hui, elle ne peut pas se payer le luxe d’habiller ses enfants sans aide. En effet, la victime a dû faire appel à des amis pour acheter des vêtements pour pouvoir les envoyer à l’école. En larmes, elle dit ne pas vouloir informer son mari, hypertendu et vivant à l’étranger, de la situation. « Je veux éviter le pire », fait-elle savoir.
Une mairie dépassée par les événements ?
Jusqu’à maintenant, la mairie de Léogâne n’aurait reçu aucune assistance des autorités centrales. C’est ce qu’a fait savoir son directeur, Iderson Augustin. « La mairie a reçu uniquement un don de 3 mille kits du Fond d’Assistance Économie et Social (FAES) et 100 mille gourdes de l’ancien sénateur, Youri Latortue. Ce qui n’est pas en mesure de répondre aux besoins des victimes qui sont nombreuses », précise-t-il.
En pleine saison cyclonique, M. Augustin dit craindre que sa ville ne fasse l’objet d’autres inondations. « La mairie souhaite assainir la commune tout en procédant à des travaux de curage et de drainage. Les trois grandes rivières qui traversent la ville constituent une menace quand il pleut », informe-t-il en soulignant que la mairie manque cruellement de moyens.
Fabiola Fanfan
Ce projet de contenus a eu le support de l’IFDD/OIF
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