Le Collectif universitaire pour le renforcement de l’Éducation communautaire (Kirrek en créole), est ce projet porté par un regroupement de jeunes universitaires issus de Carrefour-feuilles. Lancée officiellement en 2018, cette organisation conserve un bilan qu’elle qualifie de ‘’positif’’. Formation des jeunes, création de loisirs, conférences et séminaires, réseautage. À quelques mois du lancement d’une bibliothèque communautaire et d’un centre culturel, Carrefour-Feuilles est tombé sous l’empire des hommes armés de Grand Ravine.
« Nous avons pris cette initiative par rapport à un ensemble de dérives auxquelles fait face la communauté surtout après 2010. Nous avons décidé d’apporter notre contribution en vue de raviver la communauté », explique Renald Conseillant, coordonnateur de l’organisation, lors d’une interview accordée à Enquet’Action quelques jours avant l’invasion des bandes armées. Critiquant l’expression « zone de non-droit » attribuée aux quartiers populaires, spécialement Carrefour-feuilles, le jeune sociologue raconte sa nostalgie pour un quartier offrant, autrefois, une place essentielle aux activités intellectuelles et aux loisirs créatifs. « Quand j’étais petit, on vivait les vacances avec des concours de génies et des championnats de football qui nourrissent les jeunes. Mais, cette réalité nous échappe depuis les événements du 12 janvier 2010 », se plaint le responsable.
C’est ce vide que son organisation voulait combler à partir des initiatives ouvertes, inclusives et émancipatrices. Ils voulaient (re) encadrer les jeunes, leur offrir une alternative face aux multiples tentations susceptibles de leur jeter à la drogue, à la violence et autres activités déviantes.
« Nous formons des jeunes à travers des ateliers de peintures, de théâtres, de poésie, de musiques traditionnelles », nous informe le fils de Miron, une petite localité à proximité du marché de tunnel à Carrefour-Feuilles.
« San vyolans, ap gen pi bèl jou nan kominote a », c’était le thème de la campagne de sensibilisation contre la violence, la plus grande activité organisée par Kirrek l’année dernière. Conférences-débats, ateliers de formations, animations musicales… Toute une série d’activités pour prévenir et guérir contre ce virus qui détruit les communautés. Et pour joindre des actions aux multiples discours et prises de position, les responsables avaient lancé une bibliothèque et un centre culturel. La jeune bibliothèque offrait aux jeunes de toutes catégories sociales des ateliers de lecture, de jeux d’échecs et tout un ensemble de rubriques visant à outiller les jeunes du quartier.
« Kirek se donnait pour objectif d’être un espace ouvert à tous les jeunes désirant explorer leurs talents, apprendre davantage et augmenter leur capital social et culturel », a fait savoir Renald.
Aujourd’hui, les attaques armées du gang de Grand-Ravine contre Carrefour-feuilles ont stoppé l’élan du Collectif universitaire pour le renforcement de l’Éducation communautaire. Les jeunes, cibles de Kirrekk, qui depuis leur naissance ne connaissent aucun autre endroit, ont fui le quartier. Des écoliers.ères, des étudiants.es et des professionnels.les qui, lors de nos visites avant les hostilités, se donnaient corps et âmes dans le projet, se trouvent dans des camps de fortune pour la plupart. Des adolescents.es, des jeunes, des adultes qui trouvaient déjà un chemin d’épanouissement dans le théâtre, la peinture, la poésie ou dans les jeux traditionnels grâce à Kirrek sont à présent des rescapés de guerre.
Jean Robert BAZILE
Ce projet de contenus a eu le support de l’IFDD/OIF.
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