Le plus grand centre économique et administratif du pays, le centre-ville de Port-au-Prince, a été considéré comme une zone de priorité pour la reconstruction, après le cataclysme de janvier 2010. Une décennie plus tard, les promesses n’ont pas été tenues. La plupart des grands travaux prévus n’ont pas été achevés. Il n’y a que quelques bâtiments publics érigés dans un couloir dénommé cité administrative prenant corps peu à peu dans le déni presque total des besoins essentiels, alors que la population continue de vivre dans des conditions bien pires qu’avant.
Port-au-Prince, 21 juin 2020 [Enquet’Action] ---Le centre-ville de Port-au-Prince, de par son importance stratégique, l’identité culturelle qu’elle porte, ainsi que par le fait d’être le centre administratif et commercial du pays, était considéré par l’État haïtien comme une zone de priorité pour la reconstruction après le tremblement de terre. En septembre 2010, un arrêté du président René Préval a délimité 200 hectares de terre à l’avantage de la construction du nouveau centre-ville. Commandité et entièrement financé par le gouvernement haïtien au prix de 295 mille dollars, c’est la Fondation Prince Charles d’Angleterre, choisie sans appel d’offre, qui en a élaboré le plan. Elle a désigné un partenaire de travail, la Duany-Plater Zyberk (DPZ), une firme basée en Floride aux Etats-Unis.
Ce fameux projet de reconstruction prévoyait un plan de transport, avec une nouvelle boucle de tramway, des conceptions pour l’ensemble des infrastructures gouvernementales, y compris les nouveaux bâtiments publics, espaces verts, villages urbains avec eau et électricité. La conception de ce centre moderne a fait l’objet de beaucoup de publications.
En mai et juin 2012, de nouveaux arrêtés signés par le président Michel Joseph Martelly allaient rompre avec ces temps-là. 30 hectares de terre au centre-ville, ont été redéfinis, pour l’implémentation du plan d’urbanisme qui avait été fait sur la demande du président Préval. Lequel a proposé deux corridors: un corridor gouvernemental qui part du palais national et descend jusqu’au boulevard Harry Truman, et un corridor parlementaire, qui commence à la rue du Champs de Mars pour aboutir au port.
Suite à cette deuxième recommandation, des centaines de maisons allaient être détruites au profit de la construction des bâtiments de l’État. En majorité de maisons individuelles. Parmi elles, on retrouve ces maisons appelées Shotguns, qui jadis étaient particulièrement habitées par des esclaves. Des morceaux de patrimoine, témoins du temps de la colonie, qui ont été saccagés l’espace d’un matin. Démolis pour laisser place cinq années après à des dizaines de familles expropriées qui vivent dans des conditions économiques, sanitaires et sécuritaires précaires. Dans un paysage où se dessinent des dents creuses, des terrains vagues servant de stations de lavage d’autos et de décharges à ciel ouvert couverts de plantes sauvages ou en grande partie jonchés de déblais.
Dans cette grande cour située dans les parages de la rue de la Réunion, plusieurs familles habitent dans des abris qui rappellent les conditions post-sismiques. Les emplacements des maisons démolies sont encore bien visibles là-bas. Avec de part et d’autre les monts de décombres jamais enlevés, arborés de Palma Christi. Juste pour avoir un toit sur la tête, les gens ont eu recours à tout ce qui leur tombe sous la main pour se fabriquer un abri pouvant les protéger du soleil durant le jour.
« Non », assure Jules Pierre*, un jeune homme dans la vingtaine, « ce n’est pas à cause du 12 janvier. C’est l’État qui est venu tout détruire », ajoute-t-il tout en s’empressant d’aller chercher sa mère, sachant certainement qu’elle a quelque chose à raconter. Après une bonne dizaine de minutes, il revient seul, l’air déçu. « Ma mère ne veut pas parler», dit-il désolé.
En réalité, cette mère de trois enfants – comme des dizaines d’autres personnes – est fatiguée de dresser son récit à longueur de journée au micro des journalistes. « Elle avait trois chambres qu’elle louait pour subvenir à nos besoins et payer notre écolage. Les autorités ont tout détruit et ne nous ont rien donné. Maintenant, elle n’a plus rien. Elle galère pour joindre les deux bouts », explique son fils.
En remontant le temps, c’était en pleine saison pluvieuse. Des hommes, des femmes et des enfants allaient être balancés à la rue. Bon nombre d’entre eux n’avaient nulle part où aller. Quelques-uns ont dû chercher à louer une maison avec l’argent dont ils ne disposaient pas. D’autres s'étaient réfugiés ailleurs ou, plus près encore, dans la cour de l’ancien Palais de Justice en ruine.
Maitre Louicher Jean Joseph, fervent défenseur des victimes d’expropriation, parle de millier de familles qui vivaient dans les quartiers de la rue de la Réunion, rue de l’Enterrement, rue du Champs de Mars, rue Monseigneur Guilloux, pour ne citer que celles-là, qui ont été jetées à la merci du vent. Il se plaint du fait que dix années après le tremblement de terre, cinq ans après le processus d’expropriation, les habitants continuent de vivre dans des conditions qui ne respectent pas leur dignité.
Il reconnaît que comme garant, l’État doit veiller à ce que leurs droits soient respectés.« Que l’État, n’étant pas en mesure de garantir le droit à des logements sociaux décents, vienne jeter les gens dehors et les laisse à la rue est un crime », fustige le citoyen qui dit avoir porté plainte par-devant la commission interaméricaine des droits de l’hommes (CIDH), parce que leurs droits ont été violés et cette expropriation arbitraire a eu des effets néfastes sur la vie de nombreux habitants.
Pendant à peu près deux ans (2012 à 2014), les habitants ont eu bruit des rumeurs de démolition. Cependant, la population n’était pas du tout préparée à cette destruction massive et brutale. Certains propriétaires dénoncent le fait que les procédures d’expropriation ne se sont pas faites dans le respect des normes. Si certains ont reçu au moins un courrier, nombreux sont ceux qui confirment n’avoir eu aucune information formelle quant aux procédures de dédommagement, ou aux délais impartis, selon un rapport de juin 2014 de la plateforme haïtienne de plaidoyer pour un développement alternatif (Papda). Si l’opération a été programmée par les autorités, les occupants, eux, ne savaient à quel moment les bulldozers frapperaient les sites ciblés dans le cadre du dit projet.
« Le 31 mai 2014. Il était environ cinq heures du matin, quand des agents de la brigade d’intervention motorisée (Bim) et du ministère des Travaux Publics, accompagnés de civils armés, sont venus nous déguerpir, à grands renforts de bulldozers et de pelles mécaniques. Nous avions 45 minutes pour vider les lieux, nous ont-ils prévenus. Dans un premier temps, pierres en main, nous avons résisté. Mais, ce n’était pas pour longtemps. Car, nous avions dû faire le choix de sauver notre peau », se rappelle avec amertume Johnny Charles, ce mécanicien, père de quatre enfants, qui est de ceux qui s’étaient réfugiés au local du Palais de Justice.
« Nous vivons ici dans des conditions inhumaines », se lamente l’homme qui a jadis travaillé comme photographe à Original Studio Photo, cette entreprise qui avait pignon sur rue, aujourd’hui disparue de la zone des suites de l’expropriation. Elle se trouvait à quelques pas de la maison où vivait Johnny Charles, au 108 de la rue de la Réunion. La maison de son enfance, juste en face du vieux sablier, cet arbre séculaire, ce témoin du temps qui passe.
Des années plus tard, rien n’est encore fait à certains endroits où les maisons ont été détruites. Et, timidement, des particuliers qui disent payer la mairie, selon les habitants, commencent à réoccuper des fractions de ces terres à des fins commerciales. Ce qui n’est pourtant pas la vocation du décret qui ne prend pas en compte des projets à des fins privées.
« Il est clair que l’État ne fait rien de sérieux. Avant le 12 janvier, cette zone était considérée comme un quartier résidentiel. Ils ont tout détruit, disant qu’ils allaient reconstruire la ville et aujourd’hui, rien n’a véritablement été fait. Et que voit-on ? C’est un terrain vide, un dépotoir qui reçoit les ordures de partout y compris des cadavres et des chiens morts qu’on brule », déplore M. Charles qui, aujourd’hui, fait partie du groupe des travailleurs dévoués pour le développement (GTDD), une structure qui s’organise maintenant aussi comme groupe de pression pour forcer les autorités étatiques à les indemniser. À remarquer que certains propriétaires habitaient la zone depuis plus de 50 ans.
Ces victimes d’expropriation forcée pour cause d’utilité publique, se rappellent toutes les promesses non tenues des autorités après le séisme. Qu’est-il advenu des logements sociaux pour les familles déplacées, ou encore expropriées ? Charles Satuné est de ceux dont la maquette du nouveau centre-ville a capté l’admiration. Ce sexagénaire exproprié, avoue être contraint de se séparer de ses deux filles, craignant pour leur sécurité là où il habite dans ce refuge de fortune fait de tôles, de planches et de bouts de tissus usés où il tient son petit commerce.
« Après le tremblement de terre, cela nous a plu de voir à la télé, les diaporamas de comment serait la ville. Nous avions cru que notre pays allait changer. Nous étions heureux de voir tout cela. Nous serions sur le chemin de la modernité, a-t-on dit. C’était tout ce qu’il nous fallait. Aujourd’hui, rien de tout ça », se plaint M. Charles, sur un ton désenchanté.
En longeant la rue de la Réunion, des bâtiments publics fraîchement construits, encore bordés de tôles vertes, attendent d’être dévoilés, dans ce décor anarchique, non loin de la rue du Champs de Mars. Cette rue, où il était question d’une nouvelle route à six voies. Deux voies de stationnement et quatre de circulation. Une zone qui grouille d’activités, gênée par le commerce. Si le terrain destiné au quartier commercial devant accueillir les vendeurs de pièces de rechange d’automobiles est laissé à l’abandon, le commerce informel, toutefois continue de gagner du terrain, avec la plupart qui déverse sur la chaussée.
Dans cette sphère se trouve également le plus grand centre carcéral du pays, le pénitencier national. Une aire où les travaux de démolition se sont arrêtés depuis quelques années. Alors que d’autres immeubles abritant des entreprises commerciales privées attendent toujours d’être démolis. Selon un propriétaire-entrepreneur évoluant dans la fabrication de pièces mécaniques industrielles, voulant garder l’anonymat, ce sont des édifices sous-évalués par les autorités. « De même que l’État est mêlé à des scandales de surfacturation, dans le cas des expropriations, c’est l’inverse. C’est une sous-facturation. L’État fait son beurre des deux côtés, et les victimes c’est nous », déplore-t-il.
La cinquantaine avancée, cet homme d’affaires a du mal à cacher ses traumatismes en racontant comment il s’est senti en regardant les excavateurs démolir les constructions, des années plus tôt. Des bâtiments logeant des entreprises qui représentent pour lui des années de durs labeurs et de sacrifices. Le propriétaire dont le bâtiment est encore debout, qui vit très mal le fait d’être un exproprié, attend le jour où l’État peut choisir de tout détruire. Une situation qui n’est pas sans conséquence sur la vie et le moral de beaucoup de ces gens qui disent vivre l’enfer jour et nuit.
Une goutte d’eau dans l’océan
Pour faire du rêve du nouveau centre-ville une réalité, les autorités ont cru bon de contacter le secteur privé des affaires. « Comme ils n’étaient pas prêts, ils nous ont demandé de nous concentrer uniquement sur ce qui concerne les bâtiments qui devraient servir l’administration publique. Nous avons baptisé ce projet, cité administrative. Un projet qui avait été très bien développé tant du point de vue d’infrastructures des bâtiments que du point de vue des infrastructures de base », selon Michel Présumé, ancien responsable de la section technique de l’unité de construction de logements et de bâtiments publics (UCLBP).
Cet organisme créé par l’ex-président Michel Martelly, ayant remplacé la commission de facilitation de la reconstruction du centre-ville de Port-au-Prince mise sur pied par le président René Préval comme maître d’œuvre unique pour la planification et la coordination de la reconstruction du centre-ville.
Le centre historique de Port-au-Prince est censé se composer de trois quartiers distincts: le centre commercial, dénommé le bord-de-mer, le premier quartier résidentiel de la ville, le Morne-à-tuf et le quartier administratif. Ce dernier, situé au Nord-est, en plein cœur de la capitale, dénommée aussi couloir ou corridor administratif, s’étend sur deux grands axes majeurs: le premier compris entre la rue Pavée et la rue Oswald Durand. Et le second s’étendant de la Place de la patrie à la rue Monseigneur Guilloux et le boulevard Harry Truman.
Et de fait, ce quadrilatère semble être le seul espace où la reconstruction semble avoir pris corps. Avec quelques bâtiments devant loger l’administration publique qui sont sortis de terre: la Cour de Cassation; la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif; le ministère du commerce et de l’industrie; le Palais des Finances, logeant le ministère des finances, la direction Générale des Impôts, l’administration générale des douanes.
Ces constructions ont été financées grâce à un don fait en 2012 par la république de Taiwan à Haïti, d’une valeur de plus de 4 millions de dollars. Il y a également le ministère de l’intérieur et des collectivités territoriales dont le coût estimé à 17,5 millions de dollars provenant du trésor public, soit moins de 0,5% des fonds Petro Caribe*.
S’il faut citer: la rue Paul VI, la rue des Casernes, la rue Pavée, la rue du Champs du Mars et le boulevard Harry Truman ont été réhabilités. Tout comme des infrastructures culturelles, telles que la place Sainte-Anne, ou encore le Champs de Mars, dans les périphéries de la cité administrative, le kiosque Occyde Jeanty, converti en un amphithéâtre pouvant accueillir plus de 5 mille personnes.
Pas moins de 5 millions de dollars ont été dépensés pour le Triomphe, le seul cinéma de la capitale haïtienne, toujours fermé malgré sa rénovation. Un peu plus loin, il y a le Rex Théâtre. À l’initiative des membres du comité carnavalesque de 2017, une fresque de peinture multicolore a été jetée sur la façade principale, pour masquer la laideur des vestiges endommagés. Selon le rapport de la Cour supérieure des comptes, à peu près 5 millions de dollars ont été déboursés pour sa reconstruction. Une construction qui n’a jamais vu le jour et dont la firme dominicaine, Constructora ROFI.S.A, avait la charge.
Mis en place après le tremblement de terre et financés avec le fonds Petro Caribe, ces projets placés dans le cadre de « rénovation urbaine et de développement résidentiel à Bowenfield et à Fort-National », visaient des structures et des services pérennes pour la population. Avec des résultats si peu probants, l’utilisation controversée de ce fonds a suscité des questionnements et amené la colère dans les rues.
Un total de 234 projets ont été subventionnés au niveau national pour un montant de 1,2 milliard de dollars américains. Pour ceux en regard avec le centre-ville, on peut trouver : la réalisation des études pour la reconstruction des bâtiments publics, l’aménagement des places publiques, la réhabilitation des routes et des systèmes de drainage du centre-ville de Port-au-Prince.
Malgré tout, la situation autour du voisinage de la nouvelle cité laisse voir un immense fossé entre deux mondes: les quelques édifices publics dressés dans ce rectangle au cœur de Port-au-Prince et la ville aux alentours qui traine sa peau de chagrin. Ils sont loin de concrétiser le rêve d’une ville moderne où il fait bon vivre.
La montagne a accouché d’une souris
L’ensemble des ouvrages prévus dans le cadre des « projets prioritaires de l’UCLBP » pour la reconstruction au centre-ville ne sont pas encore achevés. Sur une vingtaine de bâtiments publics annoncés par l’ancien président Michel Joseph Martelly, pas même la moitié n’a été achevée. Mais une partie de l’environnement de ce couloir qui se déploie jusqu’au Bicentenaire s’oppose déjà fortement à l’ensemble de l’architecture globale du voisinage. Édifices imposants, parterres bien aménagés, rues particulièrement propres à certains endroits. Une cité administrative qui, malgré les différents travaux, paraît une zone peu fréquentée. Une fois que vous quittez les périmètres du palais national, ce corridor contraste invraisemblablement avec la physionomie totalement traumatisée, négligée et misérable de la ville.
Certains pensent que les autorités ont failli à leur mission. « On n’a pas eu les grands travaux qu’on espérait, tels que le drainage de Port-au-Prince, la création de nouvelles avenues, de routes pour faciliter la fluidité du trafic urbain, le transport. Il n’y a pas eu la construction de grands marchés, de grandes gares, de terminal d’autobus… La ville est pire qu’avant le tremblement de terre », remarque l’architecte Leslie Voltaire, qui était très impliqué dans le processus de la reconstruction au lendemain du tremblement de terre.
« […] au lieu de saisir cette opportunité, j’ai l’impression que nous l’avons plutôt laissée passer », déclare le géographe Jean Marie Théodat. « Dix ans après le tremblement de terre, cette zone [prioritaire] reste pratiquement vierge ». Pourtant, « il y avait beaucoup de ressources », regrette M. Voltaire, qui dit ne pas comprendre « comment on ait pu voler ces ressources et laisser la population dans une situation aussi infâme et infecte ».
M. Voltaire, qui fut un envoyé spécial d’Haïti auprès du Secrétaire Général des Nations Unies, après le séisme, a aussi pointé du doigt la communauté internationale qu’il a indexé dans la corruption. Selon lui, on ne peut pas voler l’argent de l’internationale sans l’aide de l’internationale. Une idée corroborée par l’ancien maire de la capitale, Muscadin Jean Yves Jason : « J’ai retracé l’argent et démontré comment ça a été détourné. L’argent a été dépensé d’une façon scandaleuse. Et c’est un scandale beaucoup plus grand que celui du Petro Caribe».
Sous l’égide de l’ancien président américain Bill Clinton et de l’ancien Premier ministre haïtien, Jean Max Bellerive, il y a eu la Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti (CIRH) qui servait d’unité de coordination pour la reconstruction. Cette structure a été remplacée en 2010 par le Fonds pour la Reconstruction d’Haïti (FRH), selon le vœu de l’ex-président Martelly.
Pour Leslie Voltaire, mise à part la suite de mauvaises gouvernances caractérisées du Parti haïtien tèt kale (PHTK) de Michel Martelly, l’échec de la reconstruction a été effectif dès lors que ce gouvernement a pris la décision de ne plus continuer avec l’expérience de la CIRH, « alors que tout était façonné pour que ce soit la CIRH, le moteur de cette reconstruction. On a dû abandonner pour recommencer avec les ministères qui manquaient de gens », regrette-t-il.
L’urbaniste Rose-May Guignard du comité interministériel de l’aménagement du territoire (Ciat), rappelle que « l’une des grandes victimes du tremblement terre a été l’administration publique centrale du pays. Avec une administration publique aussi victime du tremblement de terre on n’ [avait] pas de balises. On n’avait personne pour dire à tous ces gens qui [venaient] pour travailler, voici ce que nous voulons en Haïti ».
Elle n’y est pas allée par quatre chemins pour critiquer le processus : « le drame de la reconstruction, c’est qu’il n’y a jamais eu de projet de reconstruction. 10 ans plus tard, il faut que les gens comprennent ce qui s’est passé. Chaque bailleur est venu avec son projet, a pris un territoire et a fait son projet au niveau du territoire choisi », dénonce Rose-May Guignard. Toutefois, elle reconnaît qu’il y a eu des réflexions. Mais pour avoir un projet, elle croit qu’il faut savoir ce que l’on veut et avoir les moyens pour y parvenir.
Mme Guignard a illustré ses propos avec le plan notoire de la Fondation Prince Charles sur la reconstruction du centre-ville. D’après elle, s’il y avait une institution pour financer ce qui était dans ce plan, ce serait devenu une réalité.
«Prince Charles avait de très bonnes idées. L’approche (top down et un peu trop secrète) ne convenait pas. [Toutefois], c’était un plan qui avait beaucoup à apporter. Mais, il n’y avait personne pour prendre le relai après le plan. Les personnages politiques qui doivent porter cette grande décision, on ne les a pas eus ni au niveau national ni au niveau municipal. Il y a beaucoup de gens qui ont porté un discours politique, mais ce n’était que des mots, il n’y avait rien de concret », soutient-elle.
Or, force est de constater que différents acteurs ont été impliqués dans le processus pour la reconstruction du centre-ville, notamment: Le MTPTC, l’UCBLP, le Ciat, ou encore la mairie. Michel Présumé, ex-responsable à l’UCLBP, qui a quitté en 2014, eut recourt à ce proverbe haïtien pour tenter de trouver une explication au bilan mitigé de cette reconstruction. « Kabrit anpil mèt mouri nan solèy* (Un cabri qui a plusieurs propriétaires meurt au soleil) Si vous avez plusieurs institutions à avoir un même mandat, rien ne va se faire ».
Un centre-ville qui se meurt
« Une ville humaine, accueillante, propre, décongestionnée, sécurisée, aux allées piétonnes libres d’accès, signalisée à l’énergie solaire, à caractère caribéen et touristique où il fait bon de travailler et habiter, se promener, se détendre», Vil nou vle a, (la ville que nous voulons). Dix ans après le tremblement de terre de 2010, c’est encore le souhait de SOS Centre-ville, une association de propriétaires qui promeut la réhabilitation physique, commerciale, communautaire et culturelle du centre-ville de Port-au-Prince.
Dans un courriel en date du 19 novembre 2019, le SOS centre-ville mentionne entre autres, quelques difficultés auxquelles a dû faire face le centre-ville depuis bien avant le tremblement de terre et qui persistent aujourd’hui encore. 2004 : Opération Bagdad, Kidnapping systématique des commerçants, leurs employés et leurs clients, facilité par l’absence de stationnement due à l’envahissement. 2008 : Émeutes de la faim. Manifestations violentes au centre-ville, affectant le commerce et les immeubles. Ce qui a donné comme résultats: l’ouverture de succursales à Pétion-Ville et à Delmas par certains commerçants. Mais le signal avait été donné par l’État lui-même. Par exemple, la mairie a été parmi les premiers à laisser la zone.
Marie* a son commerce à la rue Macajoux. Depuis quelques jours, elle ne peut pas s’y rendre. Les activités sont au ralenti. Elle est passée voir un ami à son magasin à la Grand Rue. L’immeuble de deux étages où ils se trouvent est fendillé à craquer. À l’intérieur, il y a un enfant qui aide dans la vente. Marie se plaint des mauvaises conditions surtout avec les déchets sous lesquels le centre-ville semble sombrer, dit espérer un changement de la part des autorités. Car les fatras, vecteurs de microbes, représentent un danger pour leur santé. Pourtant, leur plus grande préoccupation, depuis un certain temps, c’est le phénomène de l’insécurité avec la prolifération des gangs armés qui entourent les périphéries du centre-ville.
« Personne ne fréquente plus le centre-ville. À pied ou en voiture, elles se font dépouiller par des voleurs qui leur prennent tout ce qu’ils ont », confirme-t-elle.« Cette situation représente un manque à gagner pour nous commerçants qui sommes dans l’impossibilité d’écouler nos produits. On ne vend plus rien. Personne ne vient plus acheter. Les gens ont peur », déplore-t-elle.
« Là où il y a du monde, il faut des services», réitère le géographe Jean-Marie Théodat. Pourtant, aujourd’hui, ce que nous voyons, « c’est une appropriation par des gangs et par des bandits d’un espace qui était autrefois dévolu à l’activité la plus noble, le centre des affaires de Port-au-Prince ». Alors, il pense qu’il y a là une défaite qu’il faut reconnaitre pour éventuellement y trouver un remède. La reconstruction du centre-ville qui ne devrait pas être prise en compte seulement dans la construction de bâtiments publics, la réhabilitation de routes, mais aussi dans la mise en place de services pour la population qui ne cesse d’exiger de meilleures conditions de vie.
« Peu importe ce qu’on pourrait demander aux autorités, cela restera sans réponse. Certainement, tous les jours, elles entendent nos cris. Mais, regarde dans quelles conditions nous vivons. Les réponses à nos problèmes, elles les gardent dans leurs tiroirs chez eux », dénonce Charles, cet homme désabusé, dont le père exproprié, a été aussi victime de l’insécurité qui bat son plein, agressé physiquement par des hommes armés. Face à tant d’irresponsabilités, il croit qu’on ne peut pas parler de l’existence de l’État.
Et, ce n’est pas seulement les gens qui évitent le centre-ville, ou le grand commerce qui plie bagage face à de telles situations. L’État aussi ramasse cartables et cartons. C'est dans ce contexte que l’ex-président du Sénat de la république, Carl Murat Cantave, avait manifesté son intention de louer un espace privé pour héberger le parlement, voulant fuir l’insécurité qui sévit au bas de la ville. Avec un budget de 33 millions de dollars, le bâtiment le plus cher, le parlement qui, selon l’architecte Leslie Voltaire ayant dessiné le plan, devrait se trouver dans le couloir parlementaire. Si une partie des fonds a été décaissée, l’architecture soumise à l’évaluation, mais depuis, silence radio...
L’aménagement du centre-ville se révèle être un enjeu décisif pour l’élaboration de plans ambitieux, pouvant déboucher sur de véritables changements en accord avec les grands enjeux de la modernité. Toutefois, selon Mme Rose-May Guignard du Ciat, on doit faire attention avec la phase vision de développement pour une ville et la capacité à la mettre en œuvre. « Si on n’a pas la capacité financière à le mettre en œuvre, le plan reste un plan, ça ne va pas plus loin », affirme-t-elle.
Or, face à la situation qui prévaut au centre-ville, pour SOS centre-ville, ce regroupement de propriétaires, « il est inconcevable de demander au secteur privé d’investir dans un contexte d’insécurité, d’insalubrité et dans l’absence d’un plan de développement ».Si plus d’un est d’avis que la Sécurité et la stabilité politique sont deux éléments-clés pour attirer les entrepreneurs, créer de l’emploi et faire croitre l’économie d’un pays, les infrastructures de base et les investissements sont aussi comme les deux faces d’une même médaille. Allant de pair, il faut créer des conditions propices pour rassurer les investisseurs potentiels.
« La question de l’urbanisme c’est de donner le bon encadrement à toute une série de décisions privées. La question à se poser : est-ce que l’État a donné le cadre nécessaire pour que cette décision qui émane du secteur privé soit prise ? Quels ont été les encadrements et les incitations que le gouvernement a mis en place pour faciliter et accompagner la reconstruction ? », se demande Mme Guignard.
Les gens ont peur d’investir à fonds perdu. Cela explique la raison pour laquelle dix ans plus tard, il y a très peu de nouvelles constructions au bas de la ville. De grosses structures fissurées abritant le négoce avec beaucoup de gens tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, sont encore debout. Alors qu’au cours de l’année 2019, 301 secousses sismiques de magnitude allant de 1 à 4,8 sur l’echelle de Richter ont été enregistrées par l’unité technique de sismologie (UTS). L’ingénieur-géologue Claude Prépetit, directeur général du bureau des mines et de l’énergie (BME), espère que la carte du micro zonage disponible ne soit pas gardée dans les tiroirs, mais utilisée pour la reconstruction au centre-ville, une zone à haut risque sismique.
Dans la présentation des « projets prioritaires de juillet 2010 » du gouvernement haïtien, la question de limite a été clairement mise en exergue: Limitations à nos besoins, limitations à notre capacité financière. Pour les ouvrages privilégiés, il s’agissait majoritairement de bâtiments publics. Si la construction d’un ministère avait un portefeuille d’environ 17 millions de dollars, la réhabilitation, le drainage et les routes principales étaient regroupés sous une enveloppe de 15 millions.
Pourtant, aujourd’hui, il n’y aurait plus d’argent pour effectuer ces travaux, selon le maire de Port-au-Prince Youri Chévry. « De l’argent qui était là, mais qu’on a perdu dans des projets de Petro Caribe. Ce sont des projets pour lesquels, il faut trouver des financements, qu’on n’a pas là pour l’instant », se désole-t-il. Une information confirmée par un ingénieur, cadre du ministère des travaux publics, qui requiert l’anonymat. Réseaux routiers, réseaux hydrauliques, réseaux électriques, drainages, assainissements, sécurité, ce sont des volets qui ont été pris en compte dans la reconstruction. À en croire cette source, ce sont des travaux qui nécessitent beaucoup d’argent. Mais il n’y a plus de financement pour leur exécution aujourd’hui.
Entre vains espoirs et bouleversantes réalités
Les rues en mauvais état, les ruines des bâtiments, les constructions délabrées parlent toujours du séisme, dix ans plus tard. Il suffit de jeter un œil pour voir le manque d’organisation flagrant au centre-ville, le tout rehaussé d’une insalubrité qui accuse d’une ville abandonnée, qui n’est pas gouvernée. Les égouts regorgeant de détritus – en grande partie des matières plastiques, des assiettes en styrofoam… – laissent déverser une eau puante qui croupisse dans les rues jalonnées d’ordures.
Ces tas d’immondices qui font désormais partie du quotidien des commerçants, surtout ceux-là qui ont leurs produits étalés sur les trottoirs, entravant la circulation. À longueur de journée, ils doivent avancer, retirer, pousser pour laisser passer les piétons, le plus souvent à coups de jurons intempestifs; et pour se frayer un chemin, les conducteurs, impatients, polluent davantage l’atmosphère à coup de klaxons retentissants.
Avec toutes ces difficultés, même le maire de la capitale, Youri Chévry, n’a plus ses bureaux au centre-ville. Mais dans les hauteurs de Canapé-vert, un quartier résidentiel tranquille. Pas trop loin du Ciat, où travaille l’urbaniste Rose-May Guignard qui regrette que son institution n’ait pas de mandat pour la mise en œuvre des plans de développement.
Une véritable caverne d’Ali baba qui regorge de trésors, telle est la maquette du cahier règlementaire annoté et illustré du Centre ancien de la ville de Port-au-Prince. Un travail qui n’a jamais été concrétisé et qui somnole dans les locaux du Ciat, à la rue Chériez. Tout près du bureau du maire. Ce projet dont l’édile en fonction ignore même l’existence illustre les principes directeurs des règlements du « cahier règlementaire de janvier 2013 », publié suite au décret de juin 2012. Si ce plan a été mis en application, cela aurait donné une autre image au centre-ville. Cet espace où la mobilité est un drame, où piétons, marchands et transports s’emboitent dans une insalubrité infecte, sans aucune mesure d’accompagnement, alors que toute la responsabilité, semble-t-il, est incombée au maire.
Youri Chévry en a profité pour rectifier: « au point de vue légal, ce n’est pas notre boulot de faire le ramassage des déchets dans la ville. Nous avons réussi à nous procurer des matériels pour nettoyer la ville, mais normalement ce n’est pas notre travail. Dans le budget national, l’argent pour nettoyer la ville va directement trouver le service national de gestion des résidus solides (SNGRS), à travers le ministère de l’Intérieur. Nous autres, nous n’avons pas le financement de l’État pour ça », souligne-t-il.
Le premier citoyen de la ville, affirme être confronté à tellement d’obstacles depuis son arrivée à la tête de la municipalité, n’ayant quasiment rien trouvé comme documents administratifs de l’équipe précédente. Une mairie qui a connu pas moins de trois équipes intérimaires avant lui. Muscadin Jean Yves Jason, ancien maire de la commune de Port-au-Prince, de 2007 à 2012, a lui aussi fait des révélations à ce sujet. Des dossiers de la mairie ont été vandalisés après qu’il ait été révoqué par le décret du président Martelly. Chassé de la mairie, et poursuivi plus tard, avec un mandat d’arrêt à ses trousses dont il ignore à ce jour les motifs. Cet homme, qui garde un goût amer de cette période, a couché ses déboires et sauvé des centaines de données sur des pages qu’il a baptisées : « Séisme du 12 janvier 2010 en Haïti. Entre l’incertain, le probable et… »
Une décennie après la catastrophe de 2010, le centre-ville n’est même pas en chantier. C’est devenu un espace livré à lui-même. Avec l’apparence d’une ville rescapée qui se réveille d’un après-guerre. Un secteur qui sent la peur, que tout le monde veut fuir. Pourtant, c’est un espace vital pour l’économie du pays. Une zone à grande densité d’échanges et de populations où passent, s’entrecroisent plusieurs centaines de personnes par jour.
Élu sous la bannière de la plateforme Verite, le maire de la ville de Port-au-Prince, M. Chévry préfère voir le verre à moitié plein. Il loue malgré tout ses divers efforts et réalisations. Spécialement dans le secteur éducatif, bien que ça soit dans des conditions difficiles. Toutefois, il reconnaît qu’il y a tellement de problèmes à Port-au-Prince (eau potable, sécurité, transport, assainissement, circulation) que ce n’est pas du jour au lendemain que l’on va y arriver.
« On doit commencer quelque part. Nous autres, nous avons choisi de commencer à l’interne à la mairie. Ce sont des projets qu’on doit faire avec le gouvernement. Mais malheureusement, ces investissements ne sont pas encore là », dit-il. « C’est pour cela que nous avons contacté ces investisseurs chinois. Ce n’est pas parce que nous voulons travailler avec la Chine et pas avec les États-Unis… Ce qu’on veut faire, c’est trouver un moyen de commencer cette reconstruction dont on parle depuis dix ans».
Avec regret, certains pensent qu’avec ce projet, la reconstruction serait déjà loin, compte tenu des retombées non négligeables qui se sont produites dans différents domaines dans de nombreux pays de l’Amérique latine. Malheureusement, pour tout pays étranger désireux de développer des relations diplomatiques avec la Chine: une Chine unique est la condition, d’après le représentant du bureau de développement commercial en Haïti, Wang Xiang Yang, dans une entrevue accordée en exclusivité au Nouvelliste, en mars 2019.
C'est pourquoi Jean-Marie Théodat juge qu’« il y a surtout intérêt et urgence de faire que la raison triomphe et que nous tirions véritablement partie des opportunités qui se présentent, pour éviter de reconstruire sur les erreurs d’avant ». Après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, différentes propositions pour la reconstruction du centre-ville se chevauchaient.Toutes étaient à la course pour une ville moderne et attractive. Il y avait cette fameuse proposition de Prince Charles qui avait suscité tellement d’intérêt, tant au niveau des décideurs qu’au niveau de la population. Il y avait aussi celle du centre haïtien de recherches en aménagement et développement (Chrade). Ce plan qui devrait éventuellement faire partie d’un schéma de cohérence territoriale, présageait des zones d’aménagement touristique, des quartiers artistiques qui allaient tenir compte de la mixité des logements (bas et moyens revenus). Tout ceci avec une revalorisation du bord de la mer. Un ouvrage qui a été élaboré, gratuitement, par des experts haïtiens pour le compte de la mairie.
Cette dernière, quoique le projet de reconstruction de son local ait été approuvé par la direction de l’aménagement du territoire et du développement local et régional (DATDLR) et par le ministère de la planification et de la coopération externe (MPCE), s’est vue exclue. Pris dans les spirales des pouvoirs décisionnels qui ont manifesté des réticences, voire des refus quant à considérer la mairie comme maitre d’œuvre d’un projet d’une portée aussi importante que 3 milliards de dollars. Une idée inconcevable qui a sans doute poussé les décideurs à reconsidérer l’approche de la reconstruction du centre-ville. L’ancien magistrat Jean Yves Jason était déconcerté à l’idée de n’avoir pas eu l’accompagnement nécessaire du pouvoir central pour reconstruire sa ville. Ce qui faisait légalement partie de ses attributions.
Dix ans plus tard. Qu’est-ce qui s’est passé ? L’architecte Leslie Voltaire, ancien candidat à la présidence, n’a pas mâché ses mots, en faisant part de ses impressions: « nousavons raté [cette] reconstruction ». Et pour cause ? « Il y avait un problème de gouvernance et d’amateurs qui étaient au pouvoir, qui voulaient jouir du pouvoir au lieu de servir la population. La ville qui n’[était] pas gouvernée, avec un maire qui n’[avait] pas les moyens de sa politique [...] On n’a pas su avoir une planification stratégique et des actions qui y répondent. On a fait du n’importe quoi ». Et, pour Jean-Marie Théodat, cela signifie clairement que « l’État a failli à sa mission historique de donner à ce peuple une capitale digne de ce nom ».
Car, pour lui, «la ville se nourrit de ses habitants d’abord. Pas des administrations.Pour le géographe, on a mis la charrue avant les bœufs. Que l’État ait fait le choix de reconstruire ses propres bâtiments, sans se soucier des besoins les plus élémentaires de la population, est une insulte. « Les administrations sont comme des éléphants blancs dans un désert. Tout le monde se demande à quoi ça sert ? Si rien n’est fait pour reconstruire la ville autour de ces immeubles flambants neufs, on aura le sentiment que l’État n’a le souci que de ses propres services et pas véritablement de la population ».
Marie Paul Isabelle Théosmy
Kettly Jérôme
Ce travail a été réalisé dans le cadre de l’appel « Enquêtes et grands reportages pour les dix ans du séisme » lancé par Fokal.
*Fonds qui résulte de l’accord du président Hugo Chavez avec l’État haïtien, a permis d’acquérir du pétrole à des prix préférentiels. En le revendant aux compagnies locales, le gouvernement devrait utiliser l’argent pour financer des projets de développement. Et, une partie des recettes devrait servir à rembourser la dette sur une période de 25 ans, avec un taux d’intérêt annuel de 1%
*Nom d’emprunt.
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